VACILLATIONS
de Pascale Henry
LUI
Elle me dit être une femme tu ne sais pas ce que c’est, être une femme ceci ou cela, comme ceci ou comme cela, pas assez ceci et pas cela non plus, toujours à chercher par où ce serait être une femme, une femme « comment » en terme de hauteur de ceci de tour de cela. Une femme « comment » , une femme qui est une femme « Comment », c’est une femme pour qui ?
Que ce serait pénible d’être une femme comme ça, parce qu’une femme absolument femme c’est une femme à effets indiscutables sur n’importe quel homme qui passe. Elle précise « Est ce que tu vois ce que je veux dire ? »
Un silence
Qu’un homme n’est pas obsédé par être l’homme d’une femme, mais de s’en choper une. Même les dents abimées et la chemise sale. Que ca change tout.
ELLE
J’avais beaucoup de choses à lui dire et une à lui demander.
On s’est assis. J’avais préparé ma tête mon corps, je tenais à la main comme dans un petit sac imaginaire quelques phrases qui contiendrait ma nature. « Ne parle pas trop, pas tout de suite ». Je me suis assise comme assise dans le corps d’une femme que j’inventais et j’attendais gentiment les effets de ma posture.
J’avais quelque chose à lui dire, à lui dire et à lui demander.
Mon corps au silence, c’est lui qui parlait…
C’était comme si « ne pas être là » était « être là ».
Et qu’il n’en savait rien et qu’il en éprouvait du plaisir. Que j’étais son plaisir, enfin pas moi exactement, j’entendais arriver dans ce silence qu’on pouvait aimer ce pouvoir de faire plaisir en étant pas là pour qu’il soit là lui et croire que c’était soi. Et croire que ça arrivait grâce à lui cette présence de soi qui est absence. Et de l’aimer pour ça alors. De l’aimer pour ce pouvoir de le faire exister en étant pas là. Et au silence et dans la disparition presque totale, se sentir être là. (elle pense en même tant que c’est terrible ce qu’elle dit mais elle ne sait pas comment le dire autrement ni même comment le dire)
C’était comme être effacée par une main qui vous caresse.
J’essayais de ne pas remuer parce que je devinais que bouger ne serait ce qu’un peu, c’était gâcher son plaisir mais surtout défaire comme avec un peu d’eau une statue de sable. Il construisait sa statue en m’avalant dans son histoire. Je me sentais gênée soudain de ce pouvoir de l’eau possible, je comprenais ces travaux d’hercule pour s’en garder ; je comprenais le silence que je gardais.
Je gardais le silence pour que le sable ne rencontre pas l’eau. Je m’occupais moi-même du barrage, j’aidais au barrage.
J’étais venue lui parler
Et je me suis tue.
Lui, parlait, mangeait, son plat devant lui, moi.
Et puis je me suis mise à parler
LUI
Le jour de ses cinquante ans il est arrivé déguisé en femme
Tout le monde devait être déguisé mais lui il est arrivé déguisé en femme
C’est un chasseur le type un qui aime traquer le gibier avec ses copains
Un homme
Un homme qui se promène dans les bois avec un fusil
Le jour de ses cinquante ans il arrive en perruque blonde sur son visage au carré
Lèvres peintes fond de teint mascara string bas résille et petite robe rouge
ELLE ET LUI
C’était un homme
Qui se sentait femme
Et qui aimait les hommes
Cet homme un jour devint une femme
Cette femme qui fut un homme
Devenu femme devint aussi hétéro
Mais voilà que femme elle tomba amoureuse
D’une femme
Devenu amoureuse elle redevint homo
Ce qui lui rappelait drôlement les temps d’avant
Lui ramenait du passé
Du passé oublié dans ce corps passé de l’autre côté
Ses parents eux
en secret
Le disait enfin hétéro