Tabula rasa

de Pascale Henry

 

 

Un homme

Il faut considérer que l’application des lois conjointes aux personnes isolés ayant pour vice de forme la désinformation des populations en danger est inapplicable par le biais des décrets votés par défaut au parlement et qu’il est de notre devoir de faire valoir la plus value  réalisée par les quotas des minorités protégées exclues de ce fait par les articles 25, 26 et 27 du code pénal qui exige que soit respecté la transparence des circulations monétaires entre les différents belligérants et leur soumission intégrale à la charte des droits de la personne humaine. Ceci étant observé, l’action bilatérale des différents organismes ne pourra être exécutée qu’en tenant compte de l’affaiblissement notifié et consigné des populations en question et ceci par la totalité des parties et sous contrôle des associations de victimes dont la vigilance n’a d’égal que le courage toujours renouvelé sans lequel l’application des mesures d’urgences serait inopérante pour totalité ou pour partie ce  que personne ne pourrait alors défendre sans tomber sous le coup des lois votées récemment et dont on peut modestement se réjouir qui devraient permettre de faire valoir sans autre procédure qui en ralentirait l’application le bien fondé de toutes entreprises qui tentent à légitimer la dignité et faire barrage à la surexclusion surpopulation ou suralimentation des individus ayant dépassé les normes convenues du supportable et qui se verraient alors contraints d’en appeler au fond international dont le champ d’intervention a été clairement défini dans le respect des valeurs fondatrices qui sont les nôtres depuis la signature des accords de Brinkzk qu’il est autorisé de prononcer selon les différentes contraintes linguistiques et dialectes en circulation dans les états signataires. Nous ferons et nous avons déjà fait beaucoup pour que soit entravé les dysfonctionnements résultant de l’irrésistible ascension des dérèglements causés par la perte, l’abandon ou encore l’indifférence caractérisée qui sévit en vertu des idéaux inamovibles dont le champ de résonance a toujours été et demeurera le nôtre malgré les controverses et contre vents et marées pour toujours tenir la barre tenir le vent hisse et ho car les bateaux sans capitaine  tiens bon la barre et tiens bon le vent hisse et ho n’arrivent nulle part tout le monde en conviendra aisément sans même devoir faire appel à cet état de conscience aiguë que requiert l’analyse des raisons que nous ignorons sans toutefois les méconnaître et qui nous ont amenés à l’exercice difficile de la connaissance. Je crois tu crois il croit nous croyons déclinaison et conjugaison passé  présent  futur car aucune fleur ne dure et c’est à nous qu’il revient sans faillir cet avenir car tout arrive même rien et c’est en mon nom et au nom de toutes les afflictions qu’il est inutile de compter car à quoi bon faire un procès à qui est impossible à condamner que je vous invite encore et toujours et partout à vous lever tous ensemble  car comme chacun sait Christophe Colomb n’est pas arrivé tout seul aux Amériques et s’agit-il seulement d’atteindre en un point qui pourrait se définir comme jadis alors qu’il n’est de définition possible que dans la stricte observation des tenants et aboutissants de ce qui structure et organise une époque donnée dans un temps donné avec tout ce que cela présuppose de renonciation et non d’oubli car qui méconnaîtra désormais les ravages de l’oubli et les fosses communes où dorment sans sépulture les cadavres assassinés de nos révoltes ne saurait retrouver comme Pinocchio ne retrouvait plus le chemin de l’école le mouvement de la marche et n’est ce pas dans la marche que se trouve la plus juste incarnation de ce que nous sommes marchons marchons qu’un sang impur la plus juste incarnation de ce que nous sommes qu’un sang impur la plus juste incarnation de ce que nous sommes dans la marche en avant! En avant! En avant!

 

Une femme

Huit heures. Debout. Il fait beau. Profitons-en.  Me voila. C’est moi.  Huit heures cinq. Sous la douche. Corps en parfaite santé. Me porte sans trahison. Pas d’aigreur d’estomac pas la moindre douleur. Profitons-en. M’aperçois dans la glace. Suis pas mal au fond.  Huit heures trente. Décolté. Café. A la terrasse du trottoir d’en face. Soleil. J’existe. Huit heures quarante cinq. Roule. Fenêtre ouverte.  Nouvelles du monde. Pain quotidien. Ca va mal. Je vais bien. Neuf heures. Au travail. Travaille. Prime si dépasse les objectifs. Vais dépasser les objectifs. Tac. J’existe. Fenêtre ouverte. Penser à rappeler M. pour deux semaines en Guadeloupe. Invitation. Profitons-en. L’aime pas. Mais envie d’aller voir ça. La mer et les palmiers. En plein hiver. Moi sous les palmiers. Tout le monde sous la pluie. Moi sous les palmiers. Moi. S’il pouvait cesser ce dégoûtant petit claquement de langue quand il est content de lui. Ou de ce qu’il mange. Pourrais presque oublier qu’il m’ennuie. Trouverais peut être l’occasion de lui faire remarquer sous les palmiers. Objectif dépasser les objectifs. Doit leur fourguer le plus de came possible d’ici trois semaines. Pas facile. Système de raccordement tombe en panne. Pas mon problème. Se débrouilleront avec le service après vente. Pense à la mer. Pense au soleil. Une semaine maladie. Une semaine congés. Maladie d’abord sinon serais obligée passer les deux semaines sous écran total. Tac. J’existe. Douze heures trente. Fonce au cabinet d’esthétique. Reçu un bon pour soin gratuit. Profitons-en. Vont vouloir me refiler des crèmes. Connais le truc. Fais ça toute la journée. M’auront pas. Quatorze heures. Pas jolie à voir. La fille du cabinet d’esthétique m’a labouré la peau. Ressemble à un champ de mines. Ai du acheter une crème pour apaiser l’inflammation. Obligé annuler mes rendez vous. Pas présentable. Rabattue sur le téléphone. Prospecte. Espère qu’à dix neuf heures serait visible pour rendez vous avec S. S’intéresse à moi. Pas d’avis sur lui mais aime qu’on m’aime. M’a proposé d’aller dîner chez Laura. Flattée. Cher très cher. Beau. Très beau. Tac. J’existe. Dix huit heures trente. Carnet de rendez vous plein pour réunion lundi. Rien vu passer. Dix huit heures quarante. Ai dégonflé heureusement. Me refait l’oeil. Me sens un peu fatiguée. Impression de flottement. Me regarde dans la glace. Envie de pleurer comprends pas. Avale un comprimé. Pas me laisser gâcher la soirée. Sans doute petit dérèglement hormonal. Pas me laisser gâcher la vie. Profiter. Tac. J’existe. Flûte voila que je chougne. Me gâche mon rimmel me gâche tout. Pas de raison. Pas de raison à ça. Suis vivante. Penser à la mer. Aux cocotiers. A S. qui m’attend. Me reprendre. Ridicule. Reprendre un comprimé. Penser à consulter pour cette histoire d’hormones. Vais être en retard.  Casse la mine de mon crayon. Sanglote maintenant. Ridicule. Qu’est ce qui se passe? Pense à M. et son horrible petit claquement de langue. Pense à la mer. Dix neuf heures. Retrouve S. A l’air content de me voir. Me trouve bonne mine. Tant mieux. Me parle. Regarde sa bouche. Entend qu’a moitié ce qui en sort. Veut acheter une moto. Pour les sensations. Me dit qu’on vit qu’une fois. Qu’il faut en profiter. De quoi je demande. De la vie il dit. A l’air étonné de ma question. Moi aussi. Me demande si ça me plaira de rouler avec lui. Lui dit oui. Lui dit bien sûr que ça me plaira. Sens que ça me reprend. Sens ma gorge qui se serre. M’envoie mon porto cul sec. Me procure vite douce chaleur. Me détend. S. me parle. De bourse. Qu’il vient de gagner un gros paquet. Qu’il n’a rien fait pour ça que de mettre son argent au bon moment au bon endroit. Au bon moment au bon endroit rien d’autre. Dit qu’il pourrait s’occuper de mes affaires. Me demande si j’ai un peu d’argent de côté. Qu’il saura quoi en faire pour que ça me profite. Que ça lui fera plaisir de faire ça pour moi. Qu’après ça je pourrais faire un tas de trucs dont j’ai envie.  Comme quoi  par exemple je demande. Je sais pas  il dit tu verras bien. Ce que tu veux tu verras bien. Tout à coup je ne vois. Je ne vois pas je vois rien. Me mets à pleurer dans mon verre. Comprends pas. Comprends pas ce qui m’arrive. M’excuse, m’emberlificote dans mon histoire d’hormones. Penser à consulter. Commande un autre porto. S. l’addition. Le regarde partir vers le comptoir. Lui trouve un joli dos. M’enfuis. Vingt et une heures. Passe la porte de mon appartement. Ferme tout. Verrous volets rideaux. Me coucher. Prendre un comprimé. Attendre demain. Dormir. Penser à consulter. Goût de fer dans la bouche. Noir dans la chambre. Entends le répondeur se mettre en marche. Puis la voix de M. Dit que tout est OK. Classes affaires. Hôtel de luxe. Mer et Cocotiers. Dit qu’il faut en profiter. Qu’il attend. Qu’il a pensé à tout qu’on ne va pas s’ennuyer. Il rit et fait claquer sa langue. Trois bip. Fini. Dormir. Attendre demain. J’existe.

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