AVIGNON OFF : COMME UN ULTIME CRI D’ESPOIR DANS « LES YEUX DU CIEL »

Sur la scène deux fauteuils et une table basse, une simple pièce, quelque part au Moyen-Orient durant les évènements du Printemps arabe. Une femme apparaît, elle s’appelle « Nour », prostituée qui survit comme elle peut et qui paye à sa fille des études qu’elle n’a pas pu suivre pour briser enfin ce cercle de la prostitution déjà commencé par sa mère. Si tel est le pitch du texte de Rachid Benzine la prostitution n’en est pas pour autant le sujet principal, ni même la place de la femme dans une société allant à reculons. C’est bien le thème du vivant face à l’atrocité et au déclin de toute humanité qui est mis ici sur le devant de la scène.

 

La metteuse en scène, Pascale Henry, reprend ce spectacle créé en mars au CDN de Montluçon dans ce nouveau lieu qu’est le « 11-Gilgamesh-Belleville » qui va vite devenir le « 11 ». C’est dans cet espace, quelque peu en travaux mais présentant apparemment toutes les conditions nécessaires à un bon accueil du public et des troupes, que Pascale Henry dévoile son travail. Sur une scénographie de Michel Rose et une musique de Laurent Buisson, la comédienne Marie-Sohna Condé, formée à l’ENSATT, interprète « Nour », prostituée de son état, qui accepte presque tout afin de sortie sa fille de cette spirale. « Nour » n’a qu’un amour, un jeune poète qui fait commerce de son corps mais avec les hommes. A l’instar de son amant poète, elle ne voit pas d’un bon œil l’avenir de ces révolutions qui semblent davantage aller vers l’instauration et l’hégémonie d’un Islam autoritaire et cruel en lieu et place d’un progrès pour toutes et tous.

 

La mise en scène de Pascale Henry transpire la sobriété et la retenue au service d’un texte, souvent cru et dur, dans lequel c’est la place de l’Homme face aux dérives et aux désillusions qui est mise sur le devant de la scène, sans toutefois omettre la beauté de la vie et la lumière face la haine. Marie-Sohna Condé interprète avec justesse et retenue cette femme sans illusions mais toujours empreinte d’humanité et qui nous ouvre son corps et son cœur dans un monde sombrant dans l’obscurité. Nul doute que cette pièce et ce texte courageux puissent trouver l’écho des spectateurs dans ce Festival tourné vers l’Afrique et le rapport au pouvoir.

 

Pierre Salles, le bruit du off, 7 juillet 2017

« Dans les yeux du ciel » de Rachid Benzine, mise en scène de Pascale Henry

Interprété par l’excellente Marie Sonha Condé, Nour, femme prostituée de mère en fille, malmenée par la vie, raconte son histoire à la croisée du printemps arabe sanctionné par l’arrivée des Islamistes au pouvoir, avec son cortège de peur, d’angoisse et de résignation. Elle est terriblement convaincante. Plus qu’un récit poignant, fort, émouvant, c’est un véritable cri d’espoir en quête d’un lendemain démocratique qui n’en finit pas de tarder. Sa complexité nous porte à ressentir tout le vécu à travers la voix captivante et magnétique de l’émouvante comédienne.

L’auteur dénonce, sans haine, le fondamentalisme religieux avec un texte puissant et surtout courageux.
Le monologue de Nour, mis en scène de Pascale Henry, nous fait vivre la peur, l’angoisse et l’espoir dans un décor criant de réalisme. Bouleversant. A voir absolument.

 

Julia Garlito Y Romo, le Bruit du off, 19 juillet 2017

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